dimanche 25 juillet 2010

Mais toi seul, aime-moi, j'ai besoin d'être aimée

En consultant les éphémérides pour aujourd'hui (je le fais chaque jour, vous vous en êtes sans doute aperçu), j'ai constaté que c'était à cette date qu'André Chénier avait été guillotiné en 1794, deux jours avant la chute de Robespierre, -qui a, dès l'origine, avec ses amis fanatiques, disqualifié les révolutions violentes-, et la fin de la Terreur.
Parmi les vestiges de mes lointaines études, j'ai retrouvé le petit manuel que vous voyez ci-dessus où Chénier, pas très séduisant vous en conviendrez peut-être, est représenté.

J'ai résolu aussi de vous présenter deux poèmes d'amour, parmi les plus beaux du poète, -des poèmes qui rendent en français tout l'art de la poésie grecque antique et nous permettent d'accéder directement à celle-ci sans connaître la langue.
En parcourant la toile pour trouver d'autres images de Chénier et de sa vie, je suis tombé (ici) sur un document de 1907 où Eugène Atget a photographié la dernière demeure du poète, au 97 rue de Cléry.
Voici ce document:
Or, cette maison -à laquelle le Flatiron de New York ressemble un peu, du moins dans son principe architectural puisque construit comme elle au point de convergence de deux rues, Cléry et Beauregard à Paris, (et me plaît pour cette raison)- elle existe encore.
Le blogue où j'ai trouvé la photo d'Atget en présente une photo aussi ancienne et une photo récente (de Palagret, en 2009), que voici:

Et sur chacune est représentée cette plaque:

Je me promets d'aller y faire un pèlerinage lors d'un prochain séjour à Paris.
Mais certes les poèmes de Chénier sont plus intéressants que sa maison, voire que sa sépulture, qui n'a jamais été retrouvée.
Voici ceux que j'avais le projet de vous présenter.
Lisez-les comme s'ils étaient des poèmes grecs de l'Antiquité et que vous pouviez comprendre comme si c'était du grec ancien la langue dans laquelle ils sont écrits.
Car André Chénier est un poète qui écrit des poèmes grecs en français, nous permettant ainsi de comprendre le plaisir que les Anciens éprouvaient en lisant les poèmes que leurs poètes leur écrivaient ou leur récitaient:

Mon visage est flétri...

Mon visage est flétri des regards du soleil.
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée;
Des bêlements lointains partout m'ont appelée.
J'ai couru: tu fuyais sans doute loin de moi:
C'étaient d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains? Dis-moi, fais-moi
[connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître,
Pour que je cesse enfin de courir sur les pas
Des troupeaux étrangers que tu ne conduis pas.

La nymphe l'aperçoit...

La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire.
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire;
Elle s'assied. Il vient, timide avec candeur,
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur.
Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure.
L'une, sur son front blanc, va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
«Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle.
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi.
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi?
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire?
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire,
Trop heureux, te pressaient entre leurs bras
[glissants,
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants.
Tu baisses tes yeux noirs? Bienheureuse la mère
Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire!
Tu souris? tu rougis? Que ta joue est brillante!
Que ta bouche est vermeille et ta peau
[transparente!
N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phœbus si cher?
Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter?
Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle,
Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle?
Ami, qui que tu sois, oh! tes jeux sont charmants:
Bel enfant, aime-moi. Mon cœur de mille amants
Rejeta mille fois la poursuite enflammée;
Mais toi seul, aime-moi, j'ai besoin d'être aimée...»

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