mardi 8 juin 2010

Tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en grec

Marguerite Yourcenar, l'auteur de ce livre, « Les Mémoires d'Hadrien », -l'un des livres qui m'ont le plus ébloui dans ma vie-, faisait dire à son héros, que ses contemporains appelaient « Græculus », le « petit Grec », tellement il aimait la civilisation et la langue grecques, elle faisait dire à l'empereur Hadrien :


Tout ce que les hommes ont dit
de mieux a été dit en grec

Je ne suis pas sûr qu'elle ne le croyait pas elle-même.
Et je ne suis pas sûr de ne pas le croire moi-même.
Surtout si l'on ajoute à tout ce que les Grecs eux-mêmes ont écrit tout ce qu'ont écrit en grec ceux qui n'étaient pas Grecs, les auteurs des évangiles par exemple.
Ces évangiles, tout interpolés qu'ils aient été, ne sont pas ce qu'on a écrit de moins bien dans l'histoire de l'humanité, tout particulièrement quand ils séparent l'empire de César du « Royaume de Dieu » (qui n'est pas de ce monde, il faut le répéter, qui n'est peut-être pas du tout et qui, en tous cas, ne doit en rien s'imposer en ce monde) et quand ils condamnent par avance tous ceux qui condamnent (« Que celui qui est sans péché jette la première pierre »).
Mais parmi ce qui a été écrit en grec il y a aussi les poèmes en grec moderne de Constantin Cavafis qui, à partir de récits antiques, parlent de la cruauté et de la déloyauté des dieux, comme celui-ci :

Απιστία

Σαν πάντρευαν την Θέτιδα με τον Πηλέα
σηκώθηκε ο Aπόλλων στο λαμπρό τραπέζι
του γάμου, και μακάρισε τους νεονύμφους
για τον βλαστό που θάβγαινε απ’ την ένωσί των.
Είπε· Ποτέ αυτόν αρρώστια δεν θαγγίξει
και θάχει μακρυνή ζωή.— Aυτά σαν είπε,
η Θέτις χάρηκε πολύ, γιατί τα λόγια
του Aπόλλωνος που γνώριζε από προφητείες
την φάνηκαν εγγύησις για το παιδί της.
Κι όταν μεγάλωνεν ο Aχιλλεύς, και ήταν
της Θεσσαλίας έπαινος η εμορφιά του,
η Θέτις του θεού τα λόγια ενθυμούνταν.
Aλλά μια μέρα ήλθαν γέροι με ειδήσεις,
κ’ είπαν τον σκοτωμό του Aχιλλέως στην Τροία.
Κ’ η Θέτις ξέσχιζε τα πορφυρά της ρούχα,
κ’ έβγαζεν από πάνω της και ξεπετούσε
στο χώμα τα βραχιόλια και τα δαχτυλίδια.
Και μες στον οδυρμό της τα παληά θυμήθη·
και ρώτησε τι έκαμνε ο σοφός Aπόλλων,
πού γύριζεν ο ποιητής που στα τραπέζια
έξοχα ομιλεί, πού γύριζε ο προφήτης
όταν τον υιό της σκότωναν στα πρώτα νειάτα.
Κ’ οι γέροι την απήντησαν πως ο Aπόλλων
αυτός ο ίδιος εκατέβηκε στην Τροία,
και με τους Τρώας σκότωσε τον Aχιλλέα.


Déloyauté

Aux noces de Thétis et de Pylée, 

au cours de ce splendide banquet,

Apollon prit la parole. 

Félicitant les mariés, il leur promit 

un grand bonheur grâce au fruit de leur union:

«Jamais il ne sera atteint de maladie, dit-il,

et sa vie sera longue». Ces paroles

- oracle du dieu, une caution pour son enfant -

réjouirent fort Thétis.

Et pendant que son fils grandissait

et que sa beauté était la fierté de toute la Thessalie,

Thétis se souvenait toujours 

de la prophétie d'Apollon, ce bel oracle.

Mais un jour arrivèrent des vieillards 

porteurs de nouvelles, 

ils venaient annoncer qu'Achille avait été tué à Troie. 

Thétis se mit à déchirer ses vêtements de pourpre,

à piétiner ses bracelets et ses bagues. 

Et, pendant qu'elle se lamentait,

elle se souvint des paroles du dieu et demanda: 

Le sage Apollon, que faisait-il,

où traînait-il le poète,

beau parleur au cours des festins, 

où traînait-il le prophète

lorsqu'on tuait son fils dans sa prime jeunesse?

Et les vieillards lui dirent qu'Apollon

était descendu en personne à Troie, avec les Troyens,

pour tuer Achille.
En réalité, cette cruauté des dieux ou de Dieu, cette déloyauté, , ce n'est pas tellement celles des dieux eux-mêmes ou celles de Dieu (lui ou eux n'existe(nt) sans doute pas), mais la cruauté et la déloyauté de ceux qui font parler les dieux antiques malgré eux ou qui font parler le Dieu des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans comme s'il était une marionnette.
La vraie cruauté, la vraie déloyauté est celles des humains, celles en particulier de ceux qui se prétendent ministres des dieux ou prêtres de Dieu pour pouvoir prêter à ceux-ci leurs propres sordides paroles.

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