jeudi 20 mai 2010

Celui qui a créé le 19e siècle français

Balzac avait des attitudes de vedette et trouvait sa main droite (la « manus divina » qui écrivait) si belle qu'il prenait l'attitude que vous lui voyez prendre dans le daguerréotype de droite afin de la montrer à tous.
Il écrivait en portant une bure de moine en guise de vêtement (le portrait du centre).
Mais « La Comédie humaine » est une œuvre si grande qu'elle a remplacé la réalité à laquelle elle prétendait seulement faire concurrence.
Quand on parle du 19e siècle, du moins jusqu'à la mort de Balzac en 1850, c'est de « La Comédie humaine » qu'on parle.
L'autre partie du siècle, celle qui va de la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte (dit « Badinguet ») jusqu'à la Grande Guerre (et même un peu après) a Marcel Proust comme auteur, dans « À la recherche du temps perdu » -qui est une autre «Comédie humaine».
Comme Proust, Balzac a permis ma carrière universitaire.
Pour saluer le jour de sa naissance, aujourd'hui en 1799, je lui dois donc au moins une citation, celle-ci qui me consterne un peu et me fait quand même plaisir :

L'ennui naquit un jour de l'Université.

Elle parodie le dernier vers de la fable d'un successeur de La Fontaine, Antoine Houdar de La Motte, «Les Amis trop d'accord».
Cette fable me semble convenir parfaitement à «La Comédie humaine» où les personnages non seulement diffèrent les uns des autres mais diffèrent d'eux-mêmes selon les romans et les époques où ils apparaissent (c'est la grande découverte romanesque de Balzac).

Les Amis trop d'accord

Il était quatre amis qu'assortit la fortune;
Gens de goût et d'esprit divers.
L'un était pour la blonde, et l'autre pour la brune;
Un autre aimait la prose, et celui-là les vers.
L'un prenait-il l'endroit? L'autre prenait l'envers.
Comme toujours quelque dispute
Assaisonnait leur entretien,
Un jour on s'échauffa si bien,
Que l'entretien devint presque une lutte.
Les poumons l'emportaient; raison n'y faisait rien.
Messieurs, dit l'un d'eux, quand on s'aime,
Qu'il serait doux d'avoir même goût, mêmes yeux!
Si nous sentions, si nous pensions de même,
Nous nous aimons beaucoup, nous nous aimerions
                                                    [mieux.
Chacun étourdiment fut d'avis du problème,
Et l'on se proposa d'aller prier les dieux
De faire en eux ce changement extrême.
Ils vont au temple d'Apollon
Présenter leur humble requête;
Et le dieu sur le champ, dit-on,
Des quatre ne fit qu'une tête:
C'est-à-dire qu'il leur donna
Sentiments tout pareils et pareilles pensées;
L'un comme l'autre raisonna.
Bon, dirent-ils, voilà les disputes chassées
Oui, mais aussi voilà tout charme évanoui;
Plus d' entretien qui les amuse.
Si quelqu'un parle, ils répondent tous, oui.
C'est désormais entre eux le seul mot dont on use.
L'ennui vint: l'amitié s'en sentit altérer.
Pour être trop d'accord nos gens se désunissent.
Ils cherchent enfin, n'y pouvant plus durer,
Des amis qui les contredissent.
C'est un grand agrément que la diversité.
Nous sommes bien comme nous sommes.
Donnez le même esprit aux hommes;
Vous ôtez tout le sel de la société.
L'ennui naquit un jour de l'uniformité.


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