jeudi 4 février 2010

L'acte de création et les créateurs

Comme je l'expliquais ici, dans chaque numéro de «Science et Vie» trois questions sont adressées à un chercheur, un savant ou un spécialiste.
Ces trois questions sont:

1. Qu'est-ce qui vous a déjà fait changer d'avis?
2. De quoi êtes-vous sûr sans qu'il soit possible de le démontrer?
3. Qu'est-ce qui vous paraît important et dont on ne parle jamais?

Dans le numéro d'octobre 2009 (dont je ne vous présente pas la page couverture, j'ai donné ce numéro à un ami avant de penser à la numériser), ces questions sont posées à Philippe Marlière, spécialiste de l'évolution dirigée des micro-organismes et de biologie synthétique.
Voici comment il répond à la troisième question ci-dessus, en évoquant la difficulté d'adaptation d'un «créateur» soit en sciences soit en arts:

On ne dit jamais assez que, quel que soit le domaine, l'acte de création relève d'un même processus, et qu'un créateur n'obéit qu'aux sanctions de sa propre démarche. Un inventeur souffre d'une sorte d'infirmité productive qui l'empêche de s'ajuster à la pensée des autres et l'oblige à tout faire lui-même. À la différence de l'honnête homme des Lumières qui se nourrit des savoirs accumulés pour lui et qu'il enrichira par ses efforts rationnels. Il s'agit d'une quête insatiable, une forme de trouble obsessionnel, qui parfois s'élève au rang des beaux-arts, mais s'accommode mal de la discipline sociale. Plutôt que de formater les esprits à récapituler des formules toutes faites, il me semble important de pousser les individus à dépasser les critères de satisfaction des autres pour appliquer leur propre degré d'exigence à leur cheminement et aux résultats qu'ils en tirent.

Évidemment, ce ne sont pas tous les individus qui sont créateurs, et il faut tenir compte de chacun, sans tenter d'appliquer à tous les méthodes qui ne conviennent qu'à un certain type d'individus, comme tentent de le faire les pseudo-pédagogues modernes, auteurs infatigables des réformes de l'enseignement, qui ne cherchent pas, au fond, à mettre l'enseignement aux services de chacun mais à économiser les capitaux et les efforts en imposant à tous ce qui ne convient pas à tous.

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