vendredi 15 janvier 2010

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure

C'est une vue partielle du magnifique cloître de la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence où, comme vous le savez peut-être (j'en ai déjà parlé dans ce blogue), j'ai fait des études de 3e cycle dans les années soixante-dix.
Je vous en présente cette vue aujourd'hui parce que je veux vous présenter deux chapiteaux de ces colonnes (ce sont des chapiteaux romans) que vous apercevez sur la photo, qui me semblent particulièrement beaux (je vous le présenterai à nouveau, ce cloître, pour parler des colonnes elles-mêmes et des sculptures qu'on y trouve).
Les voici :

Le chapiteau présentant une des chutes
du Christ, lors de sa passion.

La même chute, d'un point de vue différent, avec zoom.
La crucifixion.
Nous sommes loin des chapiteaux de colonnes grecques (disons romaines), que les sculpteurs de ces chapiteaux romans connaissaient pourtant car il y en a, dans le baptistère de la cathédrale, tout près, au sommet de colonnes prises sur des édifices romains détruits ou en ruines (je vous montrerai ces colonnes ultérieurement).
Mais ces sculpteurs avaient reçu la commande d'enseigner les péripéties de la vie du Christ, telles que les rapportait l'Évangile, par l'image, à des gens qui ne savaient pas lire.
Les personnages ronds, naïfs de ces images ressemblent sans doute à ces gens.
Plus tard on créera des santons qui leur ressembleront aussi.
On peut remarquer que ce sont les péripéties qui ont trait aux souffrances du Christ qu'on rapporte surtout : il s'agissait de montrer aux fidèles que ce dieu avait souffert (et souffrait encore à la messe, leur disait-on) comme eux souffraient maintenant ; que ce dieu, donc, partageait leurs souffrances et qu'il les connaissait.
C'était (et c'est encore) le meilleur argument du christianisme pour obtenir des conversions.
Un dieu qui souffre autant que ceux qui croient en lui est rare et il est rare qu'une religion se construise entièrement autour d'un tel dieu.
C'est ce que résume le quatrain de Victor Hugo intitulé « Écrit au bas d'un crucifix » dans « Les Contemplations » :


Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure,
Vous qui souffrez, venez à lui car il guérit.
Vous qui tremblez, venez à lui car il sourit.
Vous qui passez, venez à lui, car il demeure.

Il est malheureux que les églises chrétiennes aient oublié ce noyau originel de leur constitution et mettent de l'avant le Christ comme roi victorieux, chargé de bijoux, de couronnes et de gloires.
Cela pour justifier les couronnes, l'orgueil, les bijoux et la morgue de leurs papes, patriarches et autres ministres du culte.
Les images romanes d'un lointain Moyen Âge, comme celles des chapiteaux d'Aix-en-Provence, devraient leur rappeler le Christ souffrant et humilié qui est leur raison d'être, leur seule raison d'être, qu'importe si un tel dieu existe ou non.

1 commentaire:

atalante a dit…

Très intéressant. Nuancé et varié comme j'aime. Avec de beaux et pertinents référents.

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