samedi 25 juillet 2009

Art sur art à Saint-Jean-Port-Joli

J'ai fait cette photographie dans la salle à manger de l'Auberge du Faubourg, à Saint-Jean-Port-Joli, dont je vous ai parlé il y a quelques jours (ici).
On peut y voir une sculpture sur bois (sur un fond de bois sur lequel sont semées des fleurs de lys comme vous le voyez) représentant les personnages principaux d'un roman écrit par le dernier seigneur de la seigneurie de Saint-Jean-Port-Joli, Philippe Aubert de Gaspé père (qu'on distingue ainsi de son fils qui porte le même nom et qui a écrit pour sa part le premier roman québécois, « L'Influence d'un livre » en 1837).
Vous voyez le portrait du père, jeune, ci-dessous.


Le titre de ce roman est « Les Anciens Canadiens » (attention: ces « anciens Canadiens » sont les habitants francophones de la Nouvelle-France, les Québécois actuels, et non les Canadiens actuels qui n'ont rien à voir, ni par l'ascendance, ni par la langue). Voir la page couverture d'une édition récente ci-dessous. La première édition a été publiée en 1863.
Ces deux personnages principaux du roman sont un Écossais -Archibald Cameron of Locheill, jadis réfugié en Nouvelle-France à la suite de la défaite de Culloden où il avait combattu aux côtés du Prince Charles Stuart tentant de reprendre aux Hanovre le trône de ses ancêtres- et Blanche d'Haberville, fille du seigneur d'Haberville.
Archibald, après avoir étudié en Nouvelle-France, était rentré Grande-Bretagne et, s'étant enrôlé dans l'armée britannique, était revenu en Nouvelle-France avec les troupes d'invasion de Wolfe.
Dans le cadre des opérations de conquête de la Nouvelle-France, il s'était vu intimer l'ordre sauvage d'incendier toutes les maisons de tous les villages de la Côte-du-Sud du Grand Fleuve et, malgré les bontés qu'on y avait eues naguère pour lui, il avait incendié aussi le manoir seigneurial des Haberville.
Une fois la conquête de la Nouvelle-France acquise, en 1763, Blanche d'Haberville, malgré l'inclination qu'elle éprouvait pour lui, avait fièrement refusé la demande en mariage de l'Écossais incendiaire et vainqueur.
C'est le retour d'Archibald à Haberville après la Conquête qui est représenté dans la sculpture sur bois de l'Auberge du Faubourg
Voyez :


Le refus si romantique et si patriotique de Blanche - si décevant pour les esprits romanesques- aura lieu plus tard.
Cette sculpture représente un élément d'un récit fictif : c'est de l'art sur de l'art.
En même temps elle rend hommage à l'auteur du roman, le dernier seigneur de Saint-Jean-Port-Joli, comme je l'ai dit, là même où il fut seigneur (il est d'ailleurs enterré dans la belle église du village -voir la photo tout à fait en bas de cette note).


On a représenté sur la page couverture le héros écossais* du roman, sans doute un peu par machisme -car c'est Blanche d'Haberville qui en est l'héroïne véritable-, mais aussi pour faire entrer le roman dans le paradigme qui comprend aussi La Chartreuse de Parme, Le Rouge et le Noir, Les Illusions perdues, L'Éducation sentimentale, etc.
Le paradigme des romans d'apprentissage
Seul un jeune homme pouvait chercher sa place (résumé du contenu des romans d'apprentissage) dans la société à cette époque, pas les jeunes femmes

* Il est en « habit rouge », couleur des uniformes britanniques. On appelait les soldats anglais « les habits rouges » en
Nouvelle-France et le drapeau canadien actuel a repris cette couleur rouge (sang) pour bien signifier que le Canada est l'héritier des vainqueurs de l'inexpiable Guerre de Conquête
Pas celui des soldats vêtus de bleu et de leur drapeau semé de lys.

L'église de Saint-Jean-Port-Joli a été bâtie en 1779,
sans doute parce que toutes les églises, ou presque,
de la Nouvelle-France
ont dû être rebâties
après la Conquête de 1760, les troupes d'invasion

anglaises les ayant toutes systématiquement incendiées
ainsi que les villages qu'elles avaient
la prétention de protéger.

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