jeudi 4 juin 2009

Sœur Chine, Frères chinois


En ce jour anniversaire de la répression du mouvement de la Place Tiananmen à Pékin (1989), j'ai résolu de ne pas vous présenter la photo (qui durera éternellement) de ce jeune homme arrêtant provisoirement de son corps désarmé une colonne de chars ce jour-là (ce sera pour une autre année).
Je vous fais plutôt voir un portrait du poète Li Bai (ci-dessus) et vous présente deux de ses poèmes, l'un avec le texte chinois suivi d'une adaptation que j'en ai faite (à partir de traductions que j'aurais été bien incapable d'effectuer), l'autre dans une traduction du Marquis d'
Hervey-Saint-Denys.
Le premier est une épitaphe dédiée à un vigneron dont Li Bai appréciait le vin, le second s'adresse à la ville de Nankin et traite du thème du passage inéluctable du temps qui détruit toute chose.
Ces deux poèmes montrent que les Chinois sont des humains comme nous, appréciant le vin et regrettant les affronts du temps et non pas, -comme en faisaient courir le bruit, dans les années quatre-vingt, des pseudo-psychanalystes désireux de justifier les massacres de Mao et des hordes de la soi-disant «Révolution culturelle»-, des sous-hommes n'ayant pas résolu (voire traversé) l'Œdipe, des animaux «massacrables» à merci (comment des intellectuels ont-ils pu soutenir une telle thèse, nul ne le sait, mais cela démontre qu'il n'y a pas nécessairement relation entre le mot «intellectuel» et le mot «intelligence» comme l'avaient déjà illustré Sartre et tant d'autres «compagnons de route» du Parti communiste et tant d'autres croyants chrétiens).
Voici le premier poème de
Li Bai:


哭宣城善酿纪叟


纪叟黄泉里,
还应酿老春。
夜台无李白,
沽酒与何人。


Épitaphe au vieux vigneron Ji

Toi, vigneron, maintenant dans le séjour des morts,
Y vinifies-tu encore «Vieux Printemps», ton vin si bon?
Sans moi, ton Li Bai, à l'auberge, la nuit
À quel autre buveur peux-tu le faire goûter?


Et voici le second dont on peut tirer, malgré ce qu'il est -regret et déploration-, un message d'espoir: puisque tout passe, les tyrans et leur tyrannie passeront aussi (vous voyez comme la lecture peut produire du sens et participer ainsi à la création?):

À Nan-king

Toi qui vis tour à tour grandir et périr six royaumes,
Je veux, en buvant trois tasses, t’offrir aujourd’hui quelques vers.
Tes jardins sont moins grands que ceux du pays de Thsin,
Mais tes collines sont belles, comme celles de Lo-yang au sol montagneux.
Ici fut la demeure antique du roi de Ou. L’herbe fleurit en paix sur ses ruines.
Là, ce profond palais des Tsin, somptueux jadis et redouté.
Tout cela est à jamais fini, tout s’écoule à la fois, les événements et les hommes,
Comme ces flots incessants du Yang-tseu-kiang, qui vont se perdre dans la mer.


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