mercredi 27 mai 2009

La montagne, la muraille et l'esprit d'Athènes

Cette vue de l'Acropole me semble une bonne représentation de la structure profonde de la culture et de la civilisation.
Que cette photo soit celle d'éléments provenant presque tous de l'Antiquité et d'Athènes, là où la pensée laïque, sans nécessité divine, est née, n'est pas innocent.
En bas de la forteresse, la nature représentée par le roc qui affleure du sol et qui ondule fixement selon les hasards des évènements naturels qui l'ont formé.

La nature est également représentée, me semble-t-il, par le mont Lycabette à l'arrière-plan, à peine civilisé dans la sauvagerie de son roc et de sa forêt: il surplombe l'Acropole et la menace, pour ainsi dire, de manière permanente. La nature a toujours une catastrophe en réserve pour l'esprit.
Au-dessus du roc de l'
Acropole, une muraille, qui semble sortir du roc mais de manière ordonnée, comme si elle civilisait celui-ci pour s'y appuyer et mieux protéger ce qu'elle enserre. Elle emprunt son matériau au roc.
C'est la partie pensée du roc.
Protégée par la muraille et la surplombant, le temple.
Le temple d'Athéna.
La déesse ou la ville qui a pris son nom?
Si c'est la déesse, c'est la déesse de la raison, de l'intellect, de la sagesse.
Si on la définit comme une déesse ce n'est pas pour la diviniser mais pour signifier que la vie de l'esprit est supérieure à tout.

Et la statue de la déesse a heureusement disparu. Ne reste plus que son attribut invisible et divin, la Raison.
Si c'est à la ville que le temple est dédié ce n'est pas à la ville moderne (quel désordre y règne, in-spirituel!) mais à l'
Athènes antique, là où la réflexion philosophique et scientifique a tracé ses premières lettres en s'arrachant à la superstition et au fanatisme.
La fragilité de l'esprit et sa miraculeuse survie sont représentées par les blessures du temple, qui reçoit seul la lumière du soleil et seul la reflète.
Voici deux paragraphes (choisis par moi parmi plusieurs) de cette «Prière sur l'Acropole» qu'Ernest Renan -dont le style est si geignard par ailleurs mais parfaitement adapté ici- adressait à la déesse en 1883:


Ô noblesse ! ô beauté simple et vraie ! déesse dont le culte signifie raison et sagesse, toi dont le temple est une leçon éternelle de conscience et de sincérité, j'arrive tard au seuil de tes mystères ; j'apporte à ton autel beaucoup de remords. Pour te trouver, il m'a fallu des recherches infinies. L'initiation que tu conférais à l'Athénien naissant par un sourire, je l'ai conquise à force de réflexions, au prix de longs efforts.
(...)
Le monde ne sera sauvé qu'en revenant à toi, en répudiant ses attaches barbares. Courons, venons en troupe. Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris des débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague, répareront leurs larcins, formeront des théories sacrées pour rapporter les débris qu'elles possèdent, en disant : «Pardonne-nous, déesse ! c'était pour les sauver des mauvais génies de la nuit», et rebâtiront tes murs au son de la flûte, pour expier le crime de l'infâme
Lysandre!
(...)

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