jeudi 18 décembre 2008

Vauvenargues, la marâtre nature dénoncée

Il nous faisait plaisir quand nous habitions à Aix-en-Provence, la ville que la neige n'atteint en principe jamais, que le château de Vauvenargues (ci-dessus) en soit voisin.
Pour nous c'était comme si l'auteur de maximes, que nous avions appris à connaître par nous-mêmes (puisque c'était un écrivain du 18e siècle, nos maîtres avaient allègrement sauté par-dessus, comme ils avaient sauté par-dessus tous les écrivains du 18e siècle, pour en arriver au plus vite au 19e, plus catholique), comme si Vauvenargues était toujours vivant puisque quelque chose de concret portait encore son nom.
À l'époque, Picasso en était déjà propriétaire et y peignait sans doute le village tel qu'il l'apercevait d'une fenêtre du château ou du haut d'une tour, comme dans le tableau ci-dessous.
On sait qu'il y est maintenant inhumé, sanctifiant encore davantage le lieu, du point de vue de l'art.
Mais ce qui nous donnait le plus de plaisir c'était de relire les maximes et particulièrement celles qui nous semblaient correspondre à notre expérience de la vie, comme celle-ci :

Il est faux que l'égalité soit une loi de la nature. La nature n'a rien fait d'égal, sa loi souveraine est la subordination et la dépendance.

Cette maxime permet de comprendre le combat de l'humanité depuis ses origines, le combat contre la loi naturelle, dans le but d'établir le plus possible l'égalité chez les humains malgré l'inégalité fondamentale que la nature leur impose.
Venir à bout de cette « marâtre nature », de cette mauvaise mère, dont parlait aussi Pierre de Ronsard dans ce poème que nous connaissions tous (du moins ceux qui aimaient la poésie) à l'époque où j'étudiais (j'ai légèrement modernisé la graphie):

À Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautés laissé cheoir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.



1 commentaire:

orfeenix a dit…

Merci pour cette méditation matinale,il est vrai que notre "liberté, égalité,fraternité"apparaît absurde et se dément dans toute notre histoire.

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