mardi 28 octobre 2008

Des lieux qui deviennent autre chose qu'eux-mêmes

Peut-être vaut-il mieux ne pas visiter tous les lieux qu'on aurait désiré visiter.
La réalité des lieux -tant elle est résistante et opaque à l'esprit parfois- demande beaucoup de travail mental pour être vraiment transformée en quelque chose qui apporte une expérience nouvelle et le plaisir de la connaissance.
Car la réalité d'un lieu est toujours entourée d'autres réalités -fatigue du voyage, présence éventuelle de foule autour d'elle, température ou trop chaude ou trop froide, contrariétés, etc.- qui l'empêchent de donner ce qu'elle pourrait donner si on pouvait seulement considérer le lieu en lui-même, isolé de tout ce qui l'entoure.

Ainsi, à cause du climat, à cause de l'accent du guide, à cause de la foule qui s'y pressait, je n'ai pas encore pu apprécier l'Alhambra de Grenade (photo en haut).
Il est à l'heure actuelle en période de décantation. Je ne peux rien en tirer, rien en dire. L'éclat du soleil et la chaleur du jour où je l'ai vu le neutralisent encore pour mon esprit.

Parfois, certains lieux que j'ai vus restent dans cet état pour toujours (ainsi, la place d'Istanbul qui s'étend sur l'ancien Hippodrome de Constantinople, dont je ne puis, après 2 ans, encore rien dire. Combien de temps encore restera-t-il muet?).
Voici ce qu'il en reste à l'heure actuelle:

En revanche certains lieux qu'on n'a pas vus résonnent partout et se vêtent de beaucoup de couleurs et de pensées qui leur sont sans doute (parfois évidemment) étrangères.
Ainsi, pour moi, Aranjuez, dont j'ai déjà parlé pour déplorer de ne pas l'avoir vu.
Aranjuez n'est donc pas qu'un lieu déterminé que j'ai contemplé et sur lequel je serais obligé maintenant d'effectuer un travail mental.
Il est dans les photos (toujours partielles et, par conséquent, conservant au palais et au jardin des éléments de mystère), il est dans certaines histoires que j'imagine de Philippe V, ce petit-fils de Louis XIV, à partir des Mémoires du duc de Saint-Simon.
Et il est dans certaine musique que je connais comme, par exemple, dans l'Adagio du Concierto d'Aranjuez de Joachín Rodrigo.
Pour mon plaisir et, j'espère pour le vôtre, je vais vous faire entendre deux versions de cet adagio.
La première, la classique, interprétée par la Philharmonique de Berlin dirigée par Daniel Barenboïm, avec John Williams à la guitare (car c'est un concerto pour guitare) en juin 1998.
La deuxième version qui vient du fond de mon adolescence. C'est une adaptation de cet adagio sur lequel on a ajouté des paroles qui ne conviennent peut-être pas mais que l'on a mises là pour rendre l'adagio populaire. Opération réussie? Je ne crois pas que l'Adagio avait besoin de cela. Mais les paroles mettent l'adagio en relation avec cette Guerre civile qui a eu lieu en Espagne durant les années mêmes où le
Concierto a été composé.
C'est donc une chanson que cette version de l'adagio et elle est interprétée par Richard Anthony, une vedette yéyé française du début des années soixante (mon adolescence)
La chanson fait aussi partie d'
Aranjuez pour moi, elle lui apporte le souvenir de cette époque de ma vie, et ce souvenir s'ajoute au reste.
Essayez d'imaginer un palais à partir de ces interprétations si vous n'avez pas vu
Aranjuez.

La Philharmonique de Berlin



Richard Anthony




Voici les paroles françaises de cette chanson (elles sont de Guy Bontempelli):

Aranjuez, mon amour

Mon amour, sur l'eau des fontaines, mon amour
Où le vent les amène, mon amour
Le soir tombé, on voit flotter
Des pétales de roses

Mon amour et des murs se gercent mon amour
Au soleil au vent à l'averse et aux années qui vont passant
Depuis le matin de mai qu'ils sont venus
Et quand, chantant, soudain ils ont écrit sur les murs du bout de leur fusil
De bien étranges choses

Mon amour, le rosier suit les traces, mon amour
Sur le mur et enlace, mon amour
Leurs noms gravés et chaque été
D'un beau rouge sont les roses

Mon amour, sèche les fontaines, mon amour
Au soleil au vent de la plaine et aux années qui vont passant
Depuis le matin de mai qu'il sont venus
La fleur au cœur, les pieds nus, le pas lent
Et les yeux éclairés d'un étrange sourire

Et sur ce mur lorsque le soir descend
On croirait voir des taches de sang
Ce ne sont que des roses !
Aranjuez, mon amour

Et voici les paroles espagnoles:

En Aranjuez con mi amor

Junto a ti, al pasar las horas oh mi amor
Hay un rumor de fuente de cristal
Que en el jardín parece hablar
En voz baja a las rosas

Dulce amor, esas hojas secas sin color
Que barre el viento
Son recuerdos de romances de un ayer
Huellas y promesas hechas con amor, en Aranjuez
Entre un hombre y una mujer, en un atardecer
Que siempre se recuerda

Oh mi amor, mientras dos se quieran con fervor
No dejarán las flores de brillar
Ni ha de faltar al mundo paz, ni calor a la tierra
Yo sé bien que hay palabras huecas, sin amor
Que lleva el viento, y que nadie las oyó con atención
Pero otras palabras suenan, oh mi amor al corazón
Como notas de canto nupcial, y así te quiero hablar
Si en Aranjuez me esperas

Luego al caer la tarde se escucha un rumor
Es la fuente que allí parece hablar con las rosas

En Aranjuez, con tu amor

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