vendredi 8 août 2008

Soljenitsyne, l'art, la vérité

Soljenitsyne était profondément mu dans l'écriture et l'architecture de son œuvre par son expérience du goulag et de l'histoire des Russies au 20e siècle, expérience et histoire qu'il avait éprouvées dans sa chair et dans son âme.
Dans son discours de réception du Prix Nobel de littérature de 1970 -qu'il n'a jamais pu recevoir, le pouvoir soviétique ne lui ayant pas accordé le visa nécessaire- il demande aux artistes (tout en leur reconnaissant le droit inaliénable de ne pas répondre à sa demande) de ne pas laisser « le monde réel aux mains des rapaces ».
Voici un extrait de ce discours:


Ne condamnons pas le droit qu'a l'artiste d'exprimer exclusivement ses sentiments et ses observations intimes. Ne nous mettons pas à exiger quoi que ce soit d'un artiste -mais qu'il nous soit permis de lui faire des reproches, des demandes, de lui adresser des appels. Admettons, un artiste ne doit rien à personne, mais il est douloureux de voir qu'il peut livrer le monde réel aux mains de rapaces ou de gens sans valeur, ou même de fous, lorsqu'il s'échappe dans des mondes de sa propre création ou dans les espaces de ses caprices subjectifs.
 

Mais, pourrait-on lui objecter, l'artiste révèle toujours l'état réel du monde même dans « des mondes de sa propre création ou dans les espaces de ses caprices subjectifs » car il est en phase avec la réalité profonde et, quel qu'en soit le sujet ou la forme, ses œuvres -si elles sont d'un véritable artiste- révèlent toujours ce qui est encore caché ou dissimulé, dans le présent, dans le passé, et même dans l'avenir.
L'artiste est un prophète, le seul véridique, le seul qui ne perpétue pas le malheur du monde et le mensonge en fondant une religion ou une idéologie.
Soljenitsyne, quant à lui, par ses œuvres -qui valent autant par leur puissance artistique que par le témoignage qu'elles constituent- a arraché le monde (pas seulement les terres russes) aux rapaces bolchéviques en révélant ce qu'était le pouvoir soviétique et en montrant concrètement le mensonge de leur propagande sur « les lendemains qui chantent ».
Mais dans le monde des croyances, les faits ne pénètrent pas !

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