lundi 28 juillet 2008

Le Curé honnête homme et un évêque comme ils sont

Je viens de terminer le dernier roman traduit de Donna Leon (à gauche) « De Sang et d'Ébène », en anglais « Blood From A Stone ».
Les romans de Donna Leon se passent tous à Venise et mettent en scène le commissaire Guido Brunetti, ses enquêtes policières, sa famille et les employés de la vice-questure de Venise.
Ce qui compte dans ces romans ce sont surtout les pérégrinations du commissaire dans les différents quartiers de Venise -cette ville à cause de laquelle l'univers est justifié d'exister-, les repas que lui prépare sa femme Paola, professeur de littérature à l'Université (quelle collègue merveilleuse elle aurait été pour moi!).
Mais ce qui compte aussi c'est le regard je dirais cynique porté sur la race humaine à partir de quelques exemplaires vénitiens (et napolitains et romains) de cette race que rencontre le commissaire pour les besoins de ses enquêtes.

Avant de vous présenter un passage de ce roman -que je ne commenterai pas mais que vous pourrez mettre en relation avec certaines des notes de ce blogue- laissez-moi vous conseiller d'aller vous plonger dans ces romans (cliquez ici pour connaître leur titre).
Si vous désirez les acquérir il sont publiés en français chez Calmann-Lévy.
Voici le passage que je veux vous présenter.

Le contexte d'abord : Don Alvise Perale est curé de la paroisse d'Ordezo au nord de Venise. Il aide tous les réfugiés que les crises d'Europe et d'Afrique ont amenés en Italie en partageant avec eux les biens de la paroisse. Certains paroissiens préfèreraient « adorer un Dieu aux mains moins percées » que le Dieu d'amour et de charité que leur fait adorer leur curé.
Quand Don Alvise accueille une famille de Sierra Leone au presbytère, ces paroissiens se plaignent à l'évêque.



Dans la lettre qu'[...]envoya l'évêque [à don Alvise] pour lui ordonner de faire déguerpir [cette] famille, un des arguments évoqués était que «ces gens adorent des pierres ».À la réception de ce courrier, Don Alvise se rendit à la banque et retira tout l'argent qui se trouvait sur le compte de la paroisse. Deux jours plus tard, et avant de répondre à son évêque, il acheta avec ces fonds un petit appartement dans la ville voisine de Portogruaro et en donna le titre de propriété au père de la famille sierra-léonaise. Le soir même, il écrivit à l'évêque, lui expliquant qu'il ne voyait aucune autre issue pour lui que de renoncer à son ministère, car continuer à le pratiquer comme il pensait juste de le faire créerait incontestablement des dissensions permanentes avec ses supérieurs. Il ajouta pour terminer, dans les termes les plus respectueux, qu'il préférait en fin de compte la compagnie de personnes adorant des pierres à la [compagnie] de ceux qui les ont à la place du cœur.

On dirait du Stendhal. Quelle vérité dans l'observation! Et tous les romans sont faits de ce tissu.


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