mercredi 11 juin 2008

L'Élément qui résume une ville -Montréal, Paris, Athènes, Québec, Rome, Londres, Édimbourg, Florence, Naples, etc.

Mon escapade à Montréal est terminée. Me voici de retour. La majorité des prochaines notes sera consacrée à cette escapade et aux réflexions qu'elle m'a permis de faire (avec possibilité de parler d'actualité, comme de cette reconnaissance aujourd'hui par le gouvernement canadien de la tentative concertée de génocide sur les nations amérindiennes perpétrée au 19 et 20e siècles par le gouvernement du Canada, tentative faite avec la complicité des églises chrétiennes au mépris du message de leur présumé fondateur).
Mais voici la première des notes découlant de l'escapade.
Nous arrivions près du mont Saint-Hilaire sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent et nous nous sommes aperçus que nous surveillions quelque chose à l'horizon dans la direction de Montréal: ce que nous nous attendions à voir en arrivant à destination et qui nous permettrait de dire: «Ah! voilà, nous sommes arrivés».
C'était la tour penchée du Stade olympique (photo en haut et à droite où elle montre un profil d'oiseau), œuvre encore contestée (mais de moins en moins) de Roger Taillibert: voilà ce qui pour nous résume Montréal.
Cela n'a pas toujours été le cas. La Tour penchée n'a été élevée qu'en 1976, pour les Jeux olympiques de Montréal.

Très longtemps, l'élément qui résumait pour moi Montréal, qui me permettait de dire: «Je suis arrivé!», c'était le mont Royal (ci-dessus) qui dominait la ville jusqu'à ce qu'on permette la construction de gratte-ciel d'une taille supérieure à la sienne, de telle sorte qu'aujourd'hui il disparaît derrière un rideau de gratte-ciel.
Remarquez, je dis «élément» car il ne s'agit pas ici -vous le comprenez bien- d'un monument, car un monument serait de main humaine.
Nous nous sommes mis à discuter des éléments qui, pour nous, résumaient un certain nombre de villes que nous avons visitées ou en constituaient le point central -quasi obsessionnel- d'attraction.
Il s'agit de l'élément qu'on s'attend à voir et à la vue duquel on pense qu'on est effectivement arrivé dans la ville qu'on allait visiter. Ou de l'élément qu'on cherche constamment des yeux quand on séjourne dans la ville.
Ainsi à Athènes, on cherche constamment l'Acropole (à droite). Partout où on est on cherche à le voir, aussi bien quand on y arrive que quand on y séjourne. C'est comme si Athènes avait besoin de lui pour qu'on la sente exister.

Pour Paris, c'est la Tour Eiffel (à gauche en bas) évidemment. Pour Québec, c'est le Château Frontenac (à droite en bas).
Pour Londres, Big Ben (et il n'est pas question de préférence: je préférerais quant à moi que la
coupole de la cathédrale Saint-Paul résume Londres). Pour Naples, le Vésuve.
Pour Édimbourg, le rocher qui domine la ville et où est construit le château
d'Édimbourg. Pour Rome, la coupole de Saint-Pierre, pour Florence, celle de Santa Maria del Fiore. Etc.
(Je n'énumère pas toutes les villes que nous avons visitées, ce serait trop long, mais au fur et à mesure que je parlerai de l'une ou l'autre dans ce blogue, je tâcherai de nommer ce qui la représente pour moi et, sans doute, pour la plupart de ceux qui la visitent).
Quand par exemple nous visiterons Barcelone, bientôt, nous chercherons constamment des yeux la Sagrada Familia, j'en suis sûr.
Toute ville, pour marquer la mémoire, a besoin de quelque chose qui ainsi la représente en la résumant.
Mais aucun de ces éléments n'a eu, comme la Tour Eiffel, pour la chanter aussi bien, un poète français issu (illégitimement) d'une Polonaise et d'un Italien comme Guillaume Apollinaire, qui le fait dans «Zone», le premier poème d'Alcools, publié en 1913, (la plus grande année du 20e siècle -j'y reviendrai).
En voici les 41 premiers vers à la fois naïfs et ironiques:

Zone

A la fin tu es las de ce monde ancien

Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine

Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation

Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme
L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 5 centimes pleines d'aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers

J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-datylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Une cloche rageuse y aboie vers midi
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J'aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes

Voilà la jeune rue et tu n'es encore qu'un petit enfant
Ta mère ne t'habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n'aimez rien tant que les pompes de l’Eglise
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu'éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C'est le beau lys que tous nous cultivons
C'est la torche aux cheveux roux que n'éteint pas le vent
C'est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C'est l'arbre toujours touffu de toutes les prières
C'est la double potence de l'honneur et de l'éternité
C'est l'étoile à six branches
C'est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C'est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur

[...]

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